Episode 3 : Fourmi pétillante soigne sa frustration
Fourmi pétillante faisait partie d’un gang. Le gang des
pétilleuses. Une team fort courue à l’approche des fêtes. Elle travaillait en
zone d’appellation d’origine contrôlée. Dans le cas contraire, faut pas croire,
elle n’aurait pas passé la grande muraille de l’INAO.
Fourmi contrefaite appartenait au gang d’en face. Celui des
contreface’ON, à prononcer avec un accent américain d’une banlieue bien pourave.
Une team également fort courue à
l’approche des fêtes. Disons juste qu’elle ne courait pas le même type
de public. Elle ne travaillait d’ailleurs pas en zone privilégiée. La
territorialité, ça tenait quand même à pas grand-chose. A quelques pas de
fourmi, pour être précise.
Ce matin-là, Mulot défait s’était rendu dans son magasin
désigné. Il avait été chargé par Mulote Mireille des courses de noël. Déjà
l’idée de faire des courses, ça ne l’amusait pas des masses. Mais en plus,
Mulotte Mireille lui avait donné des consignes. Et un budget. Pas simple de
concilier les deux. Presque impossible, même. Presque : il y avait LE
magasin désigné. Par Mulote Mireille. Celle-ci s’était permis quelques
folies : du champagne, du foie gras et même du caviar. Heureusement, dans
un magasin discount, ce qui garantissait le respect de leur budget.
Le plus fou dans cette histoire, c’est que Mulot défait et
Mulote Mireille n’avaient pas de problème de budget. Même, ils vivaient
largement mieux que le commun des mortels. Mais Mulote Mireille avait des accointances
avec l’Harpagon de Molière. En temps de crise, ça ne pardonne pas.
Le magasin discount désigné, c’était le terrain de jeu de
Fourmi contrefaite. Avec ses copines, elles avaient mis tout leur cœur dans la
conception de leurs produits. Enfin, cœur, c’est un beau mot… on devrait plutôt
dire qu’elles y avaient mis tous leurs intestins. Mais tout de suite, c’est
moins raffiné. Ça donne même envie de vomir. Et ce n’est plus vraiment
catalogué « appellation contrôlée », même si les rats qui dirigent le
magasin discount ne se gênent pas pour baptiser leur produit-phare « champagne ».
Ces pratiques, ça donne des boutons purulents au gang de
Fourmi pétillante. Même qu’elle, elle ne se sert pas de ces sécrétions pour
fabriquer son champagne d’appellation contrôlée. Notamment parce qu’elle a sa
fierté des traditions. Comme celle qui implique de faire pousser de vrais
raisins dans une région réservée. Ou encore celle qui impose de tourner les
bouteilles d’un quart de tour tous les jours pour créer cette fermentation
naturelle qui fait pétiller le monde. Les machines, dans ce genre de processus,
ça n’apporte rien. D’où l’importance du gang et de sa conscience du travail
bien fait. Dans la logique, ce devrait être valorisé, ce genre de
comportements. Sauf que ça fait des envieux, puis des jaloux… et même des cons.
Allez faire comprendre cette fierté de sauvegarde des
traditions à Mulot défait qui plonge ses lèvres charnues dans le liquide
jaunâtre qui a tout d’un grand. Sinon la qualité. Et les propriétés gustatives.
D’ailleurs, Mulote Mireille, en connaisseuse avertie, s’empressera de le
remarquer. Et de le déplorer en accusant avec véhémence Mulot défait :
« Il est infect, ce champagne ! On ne peut vraiment pas te faire
confiance… ». Comme de coutume – voire même par respect des traditions,
histoire d’être ancré dans notre propos - Mulot défait se contentera de prendre
un air contrit, sans lui glisser dans le creux de l’oreille que c’est elle – ou
plutôt son portefeuille – qui ont choisi LE magasin. Et LA qualité.
De toute façon, demander aux Mulotes Mireilles d’être
intelligentes, c’est un peu comme demander à Paul le Poulpe – paix à son âme - de
truquer le résultat des matchs de foot durant la coupe du monde.
Episode 2 : Dauphin humide a la nausée
Dauphin humide devait être une des dernières personnes du monde animal à lire le journal. Même, les journaux ! C’était d’autant plus remarquable qu’en raison de l’humidité ambiante, le temps de lecture était plus que réduit. Dauphin humide ne lisait donc que partiellement les infos et ne s’attardait que sur les gros titres. De toute façon, fallait être lucide, les brèves y’avait pas grand-monde qui les lisait. C’était juste bon pour occuper les journalistes stagiaires.
Ce matin-là, Dauphin humide avait lu en gros titres dans
le premier quotidien : « C’est la crise, le citoyen doit comprendre qu’il
est normal de se serrer la ceinture ! ». Face à tant de bon sens,
Dauphin humide avait acquiescé en secouant énergiquement ses nageoires. Puis,
il avait repris un cran à la ceinture de son pantalon. Ça lui faisait un peu
mal au ventre, mais il assumerait : il n’y avait pas de raison que ce
soient tout le temps les mêmes qui trinquent.
Dauphin humide s’était rassis en serrant le ventre. La
douleur cognait contre son estomac et son croissant-hareng ne lui disait plus
rien, du coup. C’était bien, ça lui ferait faire des économies. Peu
convaincu par ses propres déductions, il ouvrit le journal suivant. En gros
titre, il lut « Le salaire moyen s’élève à 3000 euros nets par mois ».
Dauphin humide laissa flotter le journal interloqué. Il appartenait à la classe
moyenne. Il avait fait de « hautes » études. Il avait un boulot pas
très intéressant, plutôt crevant et pas très bien payé. Il était loin de
toucher 3000 euros par mois.
Dubitatif, « Les journalistes racontent vraiment
n’importe quoi ! », Dauphin humide avait refermé ce qu’il restait du
deuxième journal et s’était emparé du dernier quotidien. Il était temps :
on ne parvenait déjà presque plus à lire les titres à cause de l’air ambiant.
Dauphin humide parvint juste à déchiffrer le titre de la Une : « Les
salaires de nos parlementaires : indécent ! ». Les chiffres qui
détaillaient l’article étaient devenus illisibles. Qu’importe… Dauphin humide
avait beau faire partie d’une race au Q.I. supérieur, il ne put s’empêcher de
se demander si ceux qui dirigeaient le pays ne le prenaient pas un peu pour un
con. Même que ça lui donna la nausée. Ou alors, c’était à cause de son pantalon
trop serré. Allez savoir.
Episode 1 : Castor déconstructor.
Castor sournois était décrit et reconnu comme un être d’une
grande intelligence. Et aussi, il faut bien le dire, on connaissait son faciès
de ragondin aigri parce qu’il était à la tête d’une des plus grandes
entreprises de communication du pays. L’un n’allait pas sans l’autre, nous
avait-on dit. Castor sournois était censé construire des ponts entre les
communautés. Mais un jour le barrage céda. La faute à pas de chance. Ou à la
connerie. Allez savoir, l’une comme l’autre semblent échapper à notre contrôle.
Enfin, au contrôle animal, devrais-je dire…
Ce jour-là, Castor sournois s’était levé de mauvais poil. Un
peu rêche et surtout malodorant… le poil. Je ne me permettrais pas. Tellement
mal levé que lui, il s’était permis. D’insulter publiquement le chef de l’Etat.
Parce que c’était un con. Enfin, c’était lui qui le disait. C’est dans cette
ambiance d’école maternelle que Castor sournois avait démontré l’étendue de son
intelligence. Non seulement, il insultait le chef de l’Etat, mais en plus
lorsqu’on lui demandait de s’expliquer, il moulait sa farine dans son coin et
renchérissait avec une nouvelle salve de noms d’oiseaux. Y’a pas à dire,
c’était vachement intelligent (nous reparlerons plus tard de l’intelligence
supposée des vaches) de s’empêtrer dans sa connerie.
D’ailleurs, très vite, on apprit par les médias que Castor
sournois avait été remercié. Pas tellement qu’on lui avait dit merci. On lui avait
plutôt tapé sur les ongles des pattes, histoire de prouver qu’on ne s’attaque
pas au chef de l’Etat sans conséquence. Surtout quand on est à la tête de la
plus grande entreprise de communication du pays… qui dépend directement de
l’Etat. C’était amusant, dans « Etat », il y avait un peu du
« chef de l’Etat ». Castor sournois, malgré sa grande intelligence
n’avait pas dû faire le lien. L’erreur est humaine. Pas animale, fort
heureusement.
Finalement, Castor sournois fut sommé d’aller construire des
ponts communicationnels ailleurs. Licencié pour faute grave. Sans autre forme
de procès. Il ne comptait pourtant pas en rester là. Peut-être vous parlerai-je
une prochaine fois de comment Castor sournois assigna la mante religieuse à la
tête de l’Etat devant les tribunaux pour vice de procédure.
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